Le mot latin dolere (souffrir) est à l’origine du mot dol qui a donné en français « deuil », et aussi « douleur »
Le deuil est un processus d’adaptation émotionnelle à la suite d’une perte.
C’est un processus normal face à la perte définitive d'une personne, d’un animal (décès) ou d'une situation (rupture amoureuse, emploi...). Un tumulte émotionnel se met en place : peur, culpabilité, colère, tristesse, injustice, frustration, dégoût. Par conséquent, la personne aura des comportements en réaction à ces émotions vécues, pouvant souvent entraîner des troubles du comportement. Le deuil a une dimension émotionnelle, mais aussi physiologique, cognitive, philosophie et spirituelle.
Le but du processus de deuil est de réussir à continuer à vivre et d'accepter cette perte définitive et irrémédiable. Chaque personne traverse ce processus à sa manière, et il est important d’avoir des soutiens sociaux et éventuellement une thérapie pour accompagner cette étape de vie.
La notion de deuil a été introduite en 1917 par le psychanalyste Sigmund Freud. Par la suite, Elisabeth Kübler-Ross, psychiatre américaine spécialisée dans le domaine des soins palliatifs et de la fin de vie a tenté d'identifier les étapes du chagrin que vit une personne face à la perte d'un proche. Selon son modèle, le deuil se manifeste par cinq phases. Par la suite, deux autres y ont été ajoutées.
Elles permettent de donner des repères structurants pour mieux vivre le processus de deuil et pour se rassurer sur son état général face à cette perte.
1. Le choc : étape souvent de courte durée mais peut être plus longue pour certaines personnes. Il s'agit d'un état de sidération face à l'annonce de la perte.
2. Le déni : refus de croire/voir/entendre/comprendre l'annonce de la perte, ce qui entraîne souvent une contestation et un rejet de l'information.
3. La colère et le marchandage : attitude souvent agressive envers soi-même ou son entourage qui est accompagnée de "pensées magiques" comme "si je fais ça, il va revenir…"
4. La tristesse : étape marquée par le désespoir et l'effondrement.
5. La résignation : étape caractérisée par l'abandon d'une forme de lutte et par l'espoir de retrouver sa vie "comme avant" malgré la situation ou l'objet perdu. Dans cette étape, aucune projection n'est encore possible, la personne endeuillée vit dans le présent "au jour le jour" et tente d'accepter quelque chose d'inéluctable.
6. L'acceptation : étape marquée par l'acceptation réelle de la perte et le fait d'être plus objective sur ce qu'elle a vécu avec la personne perdue. Généralement, c'est à cette étape qu'on fait le point sur les bons et les mauvais moments, qu'on peut se projeter vers l'avenir et qu'on se sent mieux psychiquement.
7. La reconstruction : étape permettant de se reconstruire à son rythme, de réorganiser sa vie de la façon la plus adaptée à sa perte et donc de reprendre un rythme de vie en lien avec les exigences de la société, de l'environnement, de ses ressources personnelles et de continuer à vivre tout simplement. Il s'agit d'un processus de résilience active.
Le schéma émotionnel décrit ci-dessus ne se fait pas de manière linéaire. Une personne endeuillée pourra aller à l’étape 3 puis la 2, revenir à la 3, puis 4….
Cependant, il est vrai qu’elles jouent toutes un rôle important au moment d’affronter la mort et que leur disposition s’adapte plutôt bien au cours de la majorité des deuils.
Il est essentiel de respecter ce cheminement émotionnel et de trouver des moyens de soutien pour traverser cette période difficile.
Quelle durée pour un deuil ?
La durée d'un deuil est très variable selon l'objet de la perte, le contexte, l’état psychologique de la personne... Il n'y a ni norme, ni temporalité. Chacun fait son deuil à son rythme et à sa façon. "Les références internationales mettent en avant une période de 3 ans pour faire un deuil dit réussi pour un adulte et de 6 mois pour un enfant car l'enfant a généralement une plus grande capacité de résilience. Néanmoins, il n'y a rien de linéaire : l'expression des ressentis fluctue et les rechutes sont possibles. Ce n'est pas grave. Déterminer une durée de deuil est un élément rassurant et sécurisant pour les personnes.
Les différents types de deuil :
Le deuil Blanc – Le deuil des Aidants
Le deuil blanc se manifeste lorsque l’aidant fait le deuil d’une relation avec la personne atteinte d’une pathologie dégénérative. Cette personne est encore présente physiquement, mais elle n’est plus celle qu’elle était auparavant en raison des troubles cognitifs. Contrairement au deuil classique qui survient après un décès physique par exemple, le deuil blanc est une douleur ressentie par l’aidant face à cette transformation de la personne qu’il accompagne.
Dans le deuil blanc, l’aidant peut éprouver une ambivalence des sentiments. Il aime toujours son proche, mais souffre de ne plus le reconnaître. Cela peut générer une forte culpabilité liée à une envie de rejeter son proche qui n’est plus comme avant. On distingue deux types de deuil blanc :
Le “deuil intuitif” caractérisé par des émotions ostensibles telles que la tristesse, la douleur intérieure intense, la solitude, la colère, etc.
Le « deuil instrumental » qui se manifeste par un besoin d’agir pour « éteindre » les émotions vécues comme trop intenses
Le deuil blanc est une douleur silencieuse mais il est important de reconnaitre et de comprendre ce processus pour mieux gérer et soutenir les aidants dans leur parcours.
Il est essentiel de consulter un professionnel pour se faire accompagner dans ce cheminement émotionnel.
Deuil compliqué ou pathologique
Le deuil compliqué est un processus qui, par sa longueur ou son intensité, est considéré comme sévère et invalidant. Un deuil compliqué est la difficulté de poser un diagnostic entre un deuil normal et une dépression. Il est souvent visible lorsque la perte survient de façon brutale, inattendue, violente, injuste (suicide, meurtre, perte associée à des procédures pénales ou administratives...) ou s'il est lié à la perte d'un partenaire de vie ou celui d'un enfant par exemple". "Certains professionnels de santé parlent de "deuil pathologique". Le deuil compliqué a officiellement été reconnu comme une maladie dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) de l'American Psychiatric Association ainsi que dans la classification internationale des maladies (ICD) de l'OMS". Il est caractérisé par l'apparition de troubles psychiques, psychiatriques et/ou réactionnels durant le deuil (le plus souvent, ce sont des troubles anxieux ou de l'humeur).
Les traumatismes, les pertes, les séparations du passé et la peur de la mort font partie de l'histoire personnelle de la personne endeuillée. Tous ces éléments peuvent compliquer et allonger le deuil, mais également expliquer certaines réactions et comportements caractéristiques d'un deuil compliqué : hostilité à l'égard des autres, dépression, déficit d'estime de soi, vision pessimiste de la vie, acte d'auto-sabotage... Un accompagnement est souvent nécessaire.
Comment surmonter un deuil ?
Il existe des clefs pour être dans un travail de deuil actif, y faire face de manière plus apaisée et ne pas se sentir "bloqué" dans sa douleur et dans sa souffrance :
► S'autoriser à demander de l'aide et du soutien, que ce soit à un professionnel de santé comme un psychologue, un psychiatre, un sophrologue, un hypnothérapeute.
► Ne pas cacher ses émotions, s'écouter et prendre en compte son besoin de repli et accueillir son chagrin. Pleurer, ne pas avoir envie de sortir ou de voir du monde, se renfermer sur soi-même pendant un temps est sain et contribue à passer à l'étape d'après.
► Mettre en place des rituels de deuil, de souvenir ou de mémoire selon l'objet d'attachement perdu. On s'autorisera à penser et à "célébrer" les "anniversaires de décès" par exemple.
► Faire des activités plaisantes et reposantes sans culpabiliser de "prendre du bon temps".
► Être vigilant sur sa consommation de drogues, médicaments, nourriture, achats divers, alcool...
► Dans son travail : prendre conscience pleinement de son état global et par conséquent réduire les prises de décisions, les missions trop importantes, les challenges trop ambitieux. Il est parfois nécessaire de mettre en pause ses projets en cours.
► Participer à un groupe de parole pour être entouré de personnes connaissant cette expérience si particulière.
► Ecrire et raconter son processus de deuil dans un journal (écriture thérapeutique) par exemple.
► Méditer est également un excellent moyen pour apaiser ses émotions
Pour terminer, je dirais que l’expression consacrée est « Faire son deuil ». Je vous avoue que pour ma part, je suis plutôt d’avis de dire que c’est le deuil qui nous façonne. Nous ne sommes plus la même personne après cette perte douloureuse. Il nous faut accepter et accueillir une nouvelle version de nous-même pour que le processus de deuil soit clos.
RG - Mars 2024
Comments